L’expression nous vient de Belgique, où de profondes modifications des règles de circulation en ville ont été introduites en 2004. L’objectif est de développer les modes de transports doux, comme la marche et le vélo, en redonnant la priorité aux usagers les plus faibles face à l’automobile. Cette idée guide aussi des pays comme la Suisse, les Pays-bas, l’Allemagne ou l’Autriche dans leurs aménagements urbains. À Strasbourg, les élus nous promettent un code de la rue pour 2009 : s’ils en brandissent le nom, ils semblent en avoir oublié le sens... Un rappel s’impose.
Le code de la route, en réduisant la rue à sa fonction de circulation, a contribué à la colonisation des villes par l’automobile, avec son lot de pollutions, de nuisances, d’accidents et d’atteintes à la santé. Cette culture routière, où le puissant et le rapide priment sur le faible et le lent, voire l’immobile, étouffe la vie sociale dans l’espace public : les enfants qui jouent sur le pavé ont cédé la place à des norias de voitures à la sortie des écoles ; face au commerce du coin qui a fermé, se dresse un panneau publicitaire pour une grande surface à côté de l’autoroute. À l’heure où 80 % des Français vivent en agglomération, il est temps de restaurer le primat des fonctions urbaines de la rue sur le simple écoulement du trafic. Associant mesures réglementaires et aménagements urbains innovants, le code de la rue, en faisant la part belle aux modes de transports non polluants, serait un formidable outil de réappropriation de l’espace public, pour une ville où il ferait enfin bon vivre.
Dans la rue, chacun doit pouvoir se déplacer en toute sécurité, quels que soient son âge, ses capacités physiques et son moyen de locomotion. D’où le principe de prudence, ainsi libellé dans la loi belge : « Le conducteur ne peut mettre en danger les usagers les plus vulnérables, tels notamment les cyclistes et les piétons, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants, de personnes âgées et de personnes handicapées. Il en résulte que [...] tout conducteur de véhicule est tenu de redoubler de prudence, en présence de tels usagers plus vulnérables, ou sur la voie publique où leur présence est prévisible. » En conséquence, dans les noyaux vitaux des agglomérations, la hiérarchie des priorités est inversée : d’abord les piétons, puis les vélos, et en dernier les voitures. La partition de l’espace public suivant le rapport de forces des usagers est remplacée par une mixité respectueuse de tous.
Le code de la rue progresse, lentement mais sûrement, dans la loi française. Après la nomination en 2006 d’un Monsieur Vélo, coordonateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo, un décret du 30 juillet 2008 introduit des avancées importantes. Outre le principe de prudence du plus fort par rapport au plus faible, trois types de zone de circulation apaisée sont définies :
Des innovations vélorutionnaires... Si elles sont appliquées ! À nous d’encourager nos élus grâce à la pétition des sans-voie « irresponsables » ou en participant aux vélorutions.
Le décret du 30 juillet 2008 précise que les zones 30 et les zones de rencontre devront être aménagées de « façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable ». Les aménagements possibles sont légions : trottoirs traversants, by-pass vélo, écluses à voitures, coussins berlinois, etc. Pour plus de détails, consulter le formidable site de VéloBuc ! Deux exemples :
Une rue n’est pas une route ! Privés de leurs repères routiers, les automobilistes prendront conscience qu’ils circulent dans une cité habitée. Leur liberté de se déplacer ne doit plus entraver le droit des habitants à bien vivre en ville.
Récemment, le premier adjoint au maire Robert Herrmann souhaitait un « véritable code de la rue favorisant le respect mutuel entre piétons et cyclistes, dans un espace nécessairement partagé. » Faut-il comprendre que ces derniers continueront à se disputer le peu de place que leur laisse la bagnole, mais en s’adressant désormais des sourires ? Il semblerait, puisque la première mesure de la municipalité a été d’interdir les vélos rue d’Austerlitz ! Cela au nom de « la sécurité avant tout » : pourtant le mode de transport le plus dangereux et le plus polluant reste l’automobile !
Le code de la rue ne se résume pas à une série de règlements oppposant cyclistes et piétons. C’est un instrument pour diminuer la présence de la voiture en ville, et ainsi rétablir l’équilibre entre les fonctions de circulation et de vie sociale de la rue. Il apparaît essentiel que la municipalité traduise cet objectif par l’inscription de mesures fortes dans son Plan local d’urbanisme (PLU) et dans son Plan de déplacements urbains (PDU). La ville de Bordeaux, malgré un code de la rue caricatural, a inscrit dans son PDU cette disposition : pour tout nouvel aménagement, la voiture n’occupera pas plus de 50 % de la largeur entre les bâtiments.
Pour que Strasbourg, autoproclamée première ville cycliste de France, redevienne un exemple à suivre, nos élus ne pourront se contenter de belles paroles et de quelques pots de géraniums zone 30. Soyons nombreux à la prochaine vélorution pour réclamer un code de la rue pour une transformation radicale de notre ville, et en priorité de ses quartiers périphériques.