Le groupe de travail de la municipalité sur le code de la rue a permis à certains élus et fonctionnaires de combler leur ignorance sur le sujet. Dernièrement, la ville a présenté son projet : quelques zones de rencontre symboliques et des zones 30 là où il est difficile de rouler plus vite... Avant de demander aux participants d’exposer maintenant leurs propres propositions ! Voilà celles de la CREP, dans l’esprit de la vélo-code-de-la-rue-tion de novembre.
Le code de la route, en réduisant la rue à sa fonction de circulation, a contribué à la colonisation des villes par l’automobile, avec son lot de pollutions, de nuisances, d’accidents et d’atteintes à la santé. Cette culture routière, où le puissant et le rapide priment sur le faible et le lent, voire l’immobile, étouffe la vie sociale dans l’espace public : les enfants qui jouent sur le pavé ont cédé la place à des norias de voitures à la sortie des écoles ; face au commerce du coin qui a fermé, se dresse un panneau publicitaire pour une grande surface à côté de l’autoroute. À l’heure où 80 % des Français vivent en agglomération, il est temps de restaurer le primat des fonctions urbaines de la rue sur le simple écoulement du trafic.
Le code de la rue n’est pas un outil destiné à rendre à notre cité son prestige perdu de « première ville cylable ». C’est un outil qui n’aura de sens qu’au service d’un objectif politique fort : la reconquête des rues par les habitants, l’amélioration de notre cadre de vie et la relocalisation de nos activités quotidiennes à l’échelle des quartiers. Seule une application ambitieuse du code de la rue, faisant la part belle aux modes de transports non polluants, permettra une réappropriation de l’espace public pour une ville où il fera mieux vivre.
La probabilité de décès d’un piéton lors d’un choc avec une voiture est de 80 % à 50 km/h contre 10 % à 30 km/h : le 50 en ville... c’est imbécile !
1) Strasbourg zone 30
Limitons la vitesse partout à Strasbourg à 30 km/h ! Loin de constituer une utopie, cette mesure est facile à mettre en œuvre. À quoi bon écraser le champignon pour ensuite poireauter plus longtemps au feu rouge ? Les expériences, menées notamment en Suisse, montrent que la vitesse moyenne des véhicules ne diminue guère si la régulation du trafic est bien pensée. De plus, la pollution atmosphérique et le bruit seront réduits, ainsi que les accidents.
2) Les places en zone de rencontre
Les places de la ville se réduisent souvent à des quasi carrefours d’autoroutes ou bien à de vulgaires parkings... Aménagées en zone de rencontre et débarrassées du stationnement, elles redeviendront des lieux... où se rencontrer ! Sus à la vitesse automobile dangeureuse et dévoreuse d’espace. Place à la vie de quartier ! Place au commerce de proximité, où les habitants se rendent à pieds ou à vélo. Ajoutons des bancs et des arbres, voire des boulodromes ou des potagers à cultiver collectivement, et il fera si bon vivre à deux pas de chez soi, que plus personne ne se dé-place-ra en voiture jusqu’à un autre bout de la ville.
3) Les cours urbaines
Dans les rues résidentielles, la zone de rencontre peut se décliner en cours urbaines : il suffit de convertir en impasse ces rues, ce qui ne bouleversera pas la circulation à l’échelle de l’agglomération, et d’y limiter le roulage et le stationnement à la desserte des riverains, comme en Belgique. Chouette, une partie de billes au milieu de la chaussée !
4) Mettons les rues à nu !
La « rue nue » est débarrassée du marquage au sol, de la signalisation verticale et des feux tricolores. Pour quel résultat ? Un renforcement de la sécurité, doublé d’économies substantielles dans les aménagements ! Ces mesures ont déjà porté leurs fruits à Drachten, puis dans 100 autres villes aux Pays-Bas. Pourquoi ? Simplement car les conducteurs, privés de leurs repères routiers habituels dans ce monde déreglé, sont contraints de porter attention aux autres usagers de la voirie... La vitesse à tout prix cède la pas face au rythme des humains, la mixité des flux est une évidence, les « après vous je vous en prie » remplacent les insultes, la ville agressive et laide devient calme et belle.
5) N’oublions pas les zones piétones
Même à vitesse réduite, les autos ne sont pas les bienvenues partout. Les zones de rencontre ne sont pas adaptées quand les piétons sont très nombreux et majoritaires. Elles ne doivent pas se substituer aux zones piétonnes, ni servir d’excuse pour ne par piétonniser un secteur qui l’exige.
Une ville où il fait mieux vivre grâce au code de la rue ? Impossible sans une réduction de la circulation automobile ! Pour ce faire les moyens ne manquent pas, en plus du développement et de la gratuité des transports en commun, de l’extension du réseau cyclable et de la promotion de la bicyclette. Par exemple : généralisation du stationnement payant à toute la ville 24 heures sur 24 ; augmentation du tarif pour les résidents, modulée en fonction des revenus, du nombre de véhicules et des possibilités alternatives de se déplacer ; incitation à l’auto-partage et au covoiturage ; création d’un réseau vert inter-quartiers de rues-parcs réservées aux seuls usagers sans moteur ; limitation de l’espace dévolu à la voiture à 50 % de la largeur des rues lors des réaménagements, comme à Valencienne ou Bordeaux. Et bien sûr, il faudra en finir avec le stationnement sauvage !
Suppression des feux tricolores et zone de rencontre au centre-ville... La tentation est forte pour nos élus de réduire le code de la rue à des mesurettes publicitaires.
Une rue-topie à construire pas à pas
Le rapport de force est aujourd’hui si inégal, la voiture symbolisant encore toute puissance et liberté sans freins aux yeux des conducteurs, que le rééquilibrage des droits dans la rue, au profit des plus faibles, ne sera pas facile et ne se fera pas du jour au lendemain. Nos élus ont le devoir de se montrer pédagogues pour que changent les mentalités. Il s’agirait pour une fois qu’ils renoncent à « convaincre » à coups de « com’ », pour donner aux citoyens matière à réfléchir et à décider par eux-mêmes. Une étude sur les vitesses moyennes porte à porte et les coûts réels des déplacements, en fonction des différents modes de transports, montrerait que la bagnole est souvent la plus lente et la plus chère.
Priorité aux plus faibles... socialement
À Strasbourg comme dans les autres grandes villes européennes, le centre-ville s’embourgeoise. Cette « ghettoïsation par le haut » relègue, vers une périphérie de plus en plus lointaine, une majorité de la population désormais ignorée de la sphère politique et culturelle. Avec pour conséquence un délitement mortifère de la société qui se manifeste par un vote extrême ou par l’abstention. Si le code de la rue ne s’applique qu’au grand centre de Strasbourg, il accentuera la gentrification des quartiers encore un peu populaires qui jouxtent le centre historique. Au contraire, dans les quartiers périphériques, il constituerait un outil de cohésion et de reconstruction sociale. À Berne, les rues sont transformées en zone de rencontre à l’initiative des habitants. Une telle démarche participative suscitera en nous le désir de nous réapproprier notre asphalte quotidien, pour construire une ville où la solidarité du sirop de la rue primera sur le repli sur soi vidéosurveillé.
C’est que la CREP a de la suite dans les idées... Sur le vélo : Les 13 propositions pour le vélo de la CREP. Sur le code de la rue : C’est quoi le code de la rue ? Le code de la rue sur une fausse piste ? Vélo-code-de-la-rue-tion. Sur le stationnement sauvage : Vélorution auto-critique ; Gare (à) ta caisse ! Je me gare comme une merde et je vous em... Et aussi : Pour l’avenir de la ville ; Ralentir pour aller plus vite. Le site de référence : VéloBuc.