DNA : « Badgeo : menace pour la vie privée ? / Un espion amnésique »
26/05/2009

Lancée voilà cinq ans par la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS), la carte à puce Badgeo permet la collecte des données des déplacements effectués par son détenteur. La version anonyme du pass, recommandée par la CNIL, n’est pas proposée par la CTS.

La carte à puce est la version high tech du bon vieux ticket papier. « Intelligent », ce titre de transport nouvelle génération contient toute une série de données personnelles sur son détenteur : nom, date de naissance, situation socioprofessionnelle, ou encore téléphone, adresse, éventuellement relevé d’identité bancaire.

Cette modernisation présente de nombreux avantages mais, revers de la médaille, elle menacerait les libertés publiques.

Pour la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés, Autorisation unique du 3 juin 2008), le système « est de nature à porter atteinte tant à la liberté fondamentale d’aller et venir qu’au droit à la vie privée ».

Pourquoi ? La technologie utilisée, explique la commission, permet de « mémoriser, tant sur la carte qu’au poste central de l’exploitant, non seulement les date, heure et lieu de passage mais aussi le numéro de carte utilisé qui rend possible, à partir du fichier clientèle, l’identification du titulaire de la carte ». Autrement dit, les déplacements peuvent être reconstitués. Qu’il s’agisse d’un trajet domicile-travail ou d’une virée chez son amant(e).

Garde-fous

La carte de transport à puce serait-elle un outil de surveillance ? Un mouchard ? Elle pourrait l’être. Mais la CNIL a imaginé des garde-fous.

Le nombre d’événements enregistrés dans la carte doit être limité à quatre et les données de validation doivent être conservées 48 heures maximum par la compagnie de transport.

Le pass est un espion ? Faisons-en un amnésique, répond la CNIL. C’est ce que fait la CTS avec sa propre carte à puce, le pass Badgeo, lancé en 2004.

Mais ce n’est pas tout. La commission insiste aussi sur « le choix [devant] être laissé aux usagers d’utiliser des titres de transport anonymes ». En leur proposant une carte à puce dont le numéro n’est pas associé au fichier client de son détenteur. Dans ce cas, il est impossible d’établir le moindre lien entre l’abonné et les déplacements de son badge.

Informatique et libertés

A la CTS, nulle trace d’un tel titre transport : tout abonné possède inévitablement un badge nominatif. « Nous pensons mettre en place des cartes anonymes, mais simplement pour charger des tickets, pas des abonnements », précise Camille Janton. Pourquoi une telle absence ?

D’abord, le pass Badgeo a été lancé avant que la CNIL ne détaille sa doctrine sur la question, en juin 2008. Si la CTS lançait Badgeo aujourd’hui, une carte d’abonné anonyme serait sans doute proposée à ses clients. Mais dans l’état actuel des choses, la compagnie est en règle.

Deuxième explication : aucun Strasbourgeois n’a déposé de plainte auprès de la CNIL sur ce sujet. Si tel était le cas, « notre position en serait renforcée », assure-t-on à la commission.

En attendant, la carte strasbourgeoise conserve son caractère potentiellement intrusif.

Arthur Helmbacher