Le lieu de départ de cette vélorution, la place de la gare, en donne un exemple flagrant. Réaménagée pour l’arrivée du TGV, elle fait la part belle à la voiture : 2x2 voies ; aucune piste cyclable ; obligation pour les piétons à traverser en deux fois, avec des feux ; agrandissement du parking Sainte-Aurélie ; construction du parking Wodli ; aménagement du parking sous-terrain en stationnement de courte durée gratuit ; création de zones de dépose minute en surface. Malgré tout ça, trottoirs et arrêts de bus sont presque toujours encombrés de caisses garées comme des chacals !

Premier emballage : voitures qui gênent

Forts de ce constat, et accompagnés par quatre policiers de la toute nouvelle brigade cycliste de la police nationale, mais aussi par une bande de musiciens enjoués, nous nous dirigeons vers la rue du Faubourg national pour y dévoiler notre action : emballer les voitures qui empiètent sur l’espace des piétons et des cyclistes !

Justement, à l’angle du boulevard de Metz, à deux pas du parking Sainte-Aurélie où la première demi-heure est gratos, deux voitures gisent en plein milieu du trottoir, obligeant les piétons à marcher sur la chaussée. L’emballage se fait au moyen de film plastique récupéré : on ne voudrait pas abîmer ces autos... Tandis que la première d’entre elles parvient à s’échapper, pas de pot, la seconde est habillée du plus bel effet, avec un mot pour expliquer notre action.

Second emballage : voitures qui enlaidissent

Le cortège reprend sa route en direction des Ponts couverts. Mais voilà, des voitures font tâche sur la carte postale de la Petite France, la zone piétonne romantique est devenue un moche parcage sauvage. Le parking Sainte-Marguerite voisin est pourtant peu cher et désert... Nous emballons trois voitures, tandis que le piéton prisonnier dans la quatrième poirote. Et nous prenons notre temps car l’emballage doit être à l’image du lieu : très beau.

Rebelote rue Martin Luther, où le trottoir est occupé par deux auto-débiles, dont une très débile à quatre roues motrices, parce que deux, ce n’est pas assez pour les trottoirs un peu hauts, ou les plates-bandes. À quand le gazon en béton qui ne devient pas gadoueux quand on s’y gare ? Nous bloquons la rue « pour deux minutes » puis, l’emballage terminé, nous nous dirigeons vers le « spot mondial » du stationnement sauvage, comme l’appelle notre escorte policière.

Troisième emballage : voitures qui menacent

La rue de la Division Leclerc est toujours bien fournie en voitures mal garées, surtout aujourd’hui, avec des modèles luxueux à faire baver les amateurs de belles mécaniques. Sauf que, posées à cheval entre les parties piétonne et cyclable du trottoir longeant les rails du tramway, elles contraignent les vélos à zigzaguer entre elles et les poteaux, un œil rivé sur les portières qui peuvent s’ouvrir, l’autre sur les piétons s’écartant des voies à l’arrivée d’une rame, et un dernier sur cette rame qui pourrait les happer s’ils chutent...

La greffe d’un troisième œil étant encore expérimentale, ce n’est pas rassurant du tout. Peu importe, tant que Monsieur ou Madame l’automobiliste peut aller où bon lui semble, sans avoir à fournir le moindre effort. Exception aujourd’hui, où il leur faudra débarrasser leur tire de son superbe emballage ! Pas sûr qu’ils le jettent à la poubelle, ces sans-gêne.

Expo photos d’autos garées crado

Personne n’est garé n’importe où rue des Bœufs et rue des Bouchers, la fin du parcours sera-t-elle décevante ? Ah, un peu plus loin, voilà deux gonflés, l’un sur une place de livraison, l’autre sur une place réservée aux handicapés. Au terme du parcours, place Kléber, l’exposition de plusieurs centaines de photos, montrant à quelle point cette habitude de stationnement est répandue, est du meilleur effet. De très nombreux passants suivent le fil (ou plutôt la ficelle) de l’expo, semblent d’accord avec notre constat et discutent avec nous.

Chacun y va de sa petite histoire, témoignant de la gène provoquée par cette spoliation de l’espace, qui peut sembler un petit tracas mais peut devenir un calvaire au quotidien, surtout pour les plus fragiles. Des Autrichiens s’étonnent qu’amendes et mises en fourrière ne pleuvent pas. Certains pouffent en reconnaissant le véhicule d’une connaissance. Un ou deux autres, qui n’ont pas embrayé, s’extasient sur certains modèles : « Trop la classe le Hummer ! ».