Automobi-Bitz, le vélo c’est pas son rayon
29 octobre 2009 — vélo

Quiz : qui a dit « la seule différence entre le cycliste et l’automobiliste, c’est que quand l’automobiliste transgresse les règles, il le sait » ? Un notable de l’automobile club ? Raté, c’est l’adjoint au maire Olivier Bitz, chargé de mettre en place un code de la rue à Strasbourg... Les préjugés anti-cyclistes d’Automobi-Bitz sont-ils compatibles avec cette mission ?

Monsieur Bitz, qui est aussi président de la commission de la sécurité routière de la CUS, n’envisage la sécurité des cyclistes que du point de vue du code de la route. Il n’a toujours pas compris que ce dernier est totalement inadapté à la ville, où doivent cohabiter piétons, vélos et véhicules à moteur. Après un an passé à conduire le groupe de travail sur le code de la rue, c’est un comble !

Quelques petites différences...

Il faudrait offrir à Automobi-Bitz une bicyclette avec des petites roues, pour qu’il réalise quelle bêtise il a dite, et se rende enfin compte des innombrables dangers que les bagnoles font courir aux cyclistes du quotidien. En attendant, rappelons-lui quelques différences élémentaires, outre les nuisances et la pollution, entre automobiliste et cycliste :

  • Quand l’automobiliste transgresse les règles, il risque de tuer ou de blesser gravement, alors que quand le cycliste prend des risques, c’est surtout pour sa propre vie.
  • En cas d’accident, si l’automobiliste est responsable, il n’y a jamais de débat sur la manière de conduire : c’est un peu comme s’il était acquis que la rue est un circuit de formule 1 où les vélos n’auront jamais leur place...

Malgré ces différences, automobiliste et cycliste paient les mêmes amendes, bien que les conséquences potentielles de leurs infractions soient sans commune mesure. Si quelque chose les distingue, c’est qu’une voiture, à 30 ou à 50 km/h, a emmagasiné une énergie des dizaines de fois supérieure à celle d’une bicyclette roulant à 20 km/h. Ça fait une différence pour celui qui se la prend dans la tronche !

Les cyclistes : des victimes à l’amende

Dans ce même article du journal, parce que les accidents de biclou ont augmenté de 16 % en deux ans, Olivier Bitz déclare vouloir protéger les cyclistes. Comment ? En « réfléchissant à la manière de les sensibiliser au respect du code de la route ». Fort de cette volonté pédagogique, notre élu s’en est donc allé menacer de contredanses, les vélos qui ne respectent pas le pied à terre obligatoire rue d’Austerlitz ! Que cette interdiction absurde soit méconnue de tous et que l’itinéraire par la rue des Bœufs ne soit aucunement indiqué, nous le constations déjà il y a un an, mais Automobi-Bitz s’en fiche...

C’est en effet commode, pour nos élus, de faire un foin d’une poignée d’accidents entre piétons et cyclistes (10 en 2008, dont la ville n’a jamais su préciser la gravité, contre 101 entre vélos et voitures, sur un total de 142 accidents impliquant un vélo). Car, si les cyclistes sont responsables de la moitié de leurs accidents, ils en sont toujours les victimes face aux véhicules à moteur ! Mais mieux vaut détourner l’attention des citoyens du vrai problème : s’il y a des blessés ou des morts à bicylette, c’est surtout parce que la bagnole prend toute la place en ville ! Et là, nos élus ne font pas grand chose... Rien contre le stationnement sauvage si dangereux par exemple (à propos duquel nous avions interpellé la ville lors d’une vélorution), sinon des paroles creuses.

Quant à la responsabilité des conducteurs... Feux grillés en masse (comme le révèlent les nouveaux radars), stationnement illégal (25 % à Strasbourg), téléphone au volant, dépassement de cycliste sans respecter la distance réglementaire d’un mètre, excès de vitesses, circulation sur les pistes cyclables (comme rue des Bouchers, à deux pas de la rue d’Austerlitz)... C’est sûrement la faute aux vélos ! Que pleuvent donc les amendes ! Et la ville prétend faire passer la part des déplacements à biclou de 10 % à 20 % ?

Et si nous épluchions les statistiques ?

Que révèle le Bilan des accidents cyclistes sur la zone police de la CUS de 2004 à 2008, à qui le lit un tantinet plus attentivement qu’Automobi-Bitz ? Précisons que les chiffres sont présentés avec les vélos face aux « autres usagers » : voitures, camions, cyclos et piétons, tous dans le même sac ! Les « conflits cyclistes-piétons » sont étudiés avec plus de détails (page 27), mais nul « conflits cyclistes-automobilistes ».

  • En 2008, sur 142 accidents impliquant des cyclistes, ceux-ci sont responsables dans 54 % des cas (page 2). Sans éluder les 9 % de cas sans responsable déterminé, ça donne 49 % contre 42 % pour les autres usagers. Une différence peu significative.
  • Toujours en 2008, 101 accidents concernent une voiture contre un vélo (page 4). Mais impossible de connaître les responsabilités respectives... Dommage !
  • Cette même année, on dénombre 20 accidents sur une bande ou une piste cyclable (page 5), 34 au niveau d’un carrefour, dont 8 feux brulés par un biclou (page 4).
  • Depuis 1995, l’évolution de l’accidentologie est la même pour les vélos que pour l’ensemble de la circulation (page 6). Les plus 16 % d’accidents de bicyclettes en 2008 s’inscrivent dans une tendance générale à la baisse (page 7), certes moins affirmée pour les cyclistes. Mais, si nous connaissions l’évolution de l’utilisation de chaque moyen de déplacement (les derniers chiffres datent de 1997...), nous verrions que la part du vélo a augmenté, peut-être même jusqu’à faire diminuer la proportion du nombre d’accidents par rapport au total des petites reines.
  • On ne dénombre, entre 2004 et 2008, que 49 accidents entre piétons et cyclistes (les responsabilités respectives étant de 39 % et 49 %) et depuis 1999, entre 7 et 15 par an (page 27). Pas de quoi en faire un fromage face aux 500 accidents de voiture de 2008 ! Et pas de mort, évidemment. Enfin, de 2004 à 2008, on ne dénombre que 9 accidents dans une zone piétonne et 3 sur un trottoir.

Quand Olivier Bitz et ses collègues cesseront de voir la ville derrière leur volant, peut-être prendront-ils plus au sérieux nos propositions rue-topiques pour le code de la rue ... Cette pluie de contraventions masquerait-elle une absence de volonté politique ?

Ci-dessous, les articles du journal et des rapports plein de chiffres. Tant que vous êtes à potasser, relisez l’intégralité de nos articles sur le vélo et contre l’auto.


« Cyclistes, gare aux amendes... » (DNA du 16 octobre 2009)
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« De la conduite des cyclistes » (dossier des DNA du 29 octobre 2009)
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Scoop ! Automobi-Bitz aurait déjà un vélo... (DNA du 5 novembre 2009)
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Bilan des accidents cyclistes sur la zone police de la CUS de 2004 à 2008 (SIRAC Délégation à la Sécurité et à la Prévention)
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La responsabilité des usagers impliqués dans un accident corporel en 2007 (ONISR)
PDF - 101 ko

Bicyclettes – Grands thèmes de la sécurité routière en France (ONISR 2007)
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