Une vélorution pour du bon 20 !
30 avril 2011 — vélo

Notre maire ne propose de limiter la vitesse à 30 km/h que dans les petites rues de Strasbourg... Mais surtout pas dans les rues les plus fréquentées, où cette mesure aurait un effet réel pour les habitants ! La CREP va trancher sans détour dans ce débat au ras des pots d’échappement. Rendez-vous samedi 30 avril, à 14 heures 20 place de la gare, avec pour seul cri : Ni 50, ni 30, que du bon 20 !

Courant mai, électrices et électeurs strasbourgeois seront appelés à se prononcer, au cours d’une sorte de référendum par voie postale, pour ou contre la proposition de la majorité municipale de limiter la vitesse à 30 km/h dans 70 % des rues de la ville (voir la carte à la page 10 du document).

Rallye Baba et les 30 à l’heure

Annoncée à grands coups de klaxon par Roland Ries, pas du tout gêné d’être en même temps à fond les manettes pour le Rallye d’Alsace, ce projet d’extension des zones 30 n’a rien de révolutionnaire... Il ne fait qu’entériner la réalité : dans les zones que notre premier magistrat veut faire passer à 30, les véhicules roulent déjà plutôt doucement ; dans les rues qu’il veut maintenir à 50, la vitesse des voitures transforme la vie quotidienne des habitants en enfer... Du flan Roland !

Pourquoi alors organiser cette « grande consultation » par courrier des citoyens, si la proposition est inutile ? En réalité, l’objectif de notre sénateur-maire n’est pas de changer quoi que ce soit, mais juste de faire parler de lui au-delà de la ligne bleue des Vosges. Il a d’ailleurs dévoilé son imposture lors d’une conférence de presse... à Paris ! Il espère ainsi renforcer ses chances de devenir ministre des transports en 2012, tout en évitant de se mettre à dos les électeurs strasbourgeois, si son projet n’emportait pas les suffrages.

Démocratie participarodique

Plus intéressée par la publicité qu’elle retirera de ce « vote » que par son résultat, la municipalité n’a pas cherché à éclairer le débat. Elle aurait au moins pu mesurer les vitesses réelles des autos sur des trajets donnés, attentes aux feux rouges comprises. Histoire de clouer le bec aux lièvres qui confondent encore vitesse et célérité, aux babaches qui accélèrent comme des malades pour ensuite piler au carrefour, croyant gagner du temps, alors qu’ils risquent seulement d’écourter la durée de vie des autres.

Si les arguments auto-débiles fusent à toute berzingue contre l’extension des zones 30, les partisans d’une vitesse modérée y répondent avec brio. Ainsi le CADR 67, l’ASTUS et Piétons 67, bien plus audacieux que la mairie, proposent de passer à 30 dans toutes les zones urbaines : Hâte-toi lentement ! La CREP leur tire son chapeau, avant d’en sortir une proposition plus hardie encore !

Non au 50 sur les boulevards de la mort !

Lors d’un choc avec un véhicule à 50 km/h, un piéton a toutes les chances d’être zigouillé ou presque, tandis qu’à 30 km/h il s’en tire quasi toujours. Ce constat devrait suffire à n’importe quel élu responsable pour déclarer Strasbourg en zone 30 sans tergiverser ! Les rues, que la municipalité qualifie d’axes « structurants » ou de « distribution » pour y maintenir le 50 à l’heure, sont des lieux de vie avant d’être des voies de circulation automobile. Comme par hasard, ce sont elles qui connaissent le plus d’accidents.

Oui aux zones de rencontre !

Pour sûr, une fois ces axes de « transit » passés de 50 à 30, la circulation arrêtera de nous faire... Mais quid des 70 % de rues restantes ? Vous l’aurez compris, pour la CREP le 30 c’est encore trop... Là où la ville reste à 50, nous voulons du 30. Là où elle propose le 30, nous voulons du bon 20 !

Tous les quartiers, et pas que ceux du centre, pourraient devenir de grandes zones de rencontre : la vitesse maximale y sera de 20 km/h, la chaussée se confondra avec le trottoir et les véhicules à moteur n’auront plus la priorité sur les plus faibles, piétons et cyclistes. Poursuivons cette rue-topie tout à fait réalisable : adoptons les idées de la rue nue et de l’espace déréglé, en supprimant panneaux de signalisation, marquage au sol et feux tricolores, pour ne conserver que la bonne vieille priorité à droite ; aménageons des cours urbaines dans les impasses, voire des quartiers en cul-de-sac pour les voitures.

Lever le pied pour faire un pas de côté

Il est temps de restaurer le primat des fonctions urbaines de la rue — la rencontre, l’échange, le voisinage, l’entraide, le jeu, l’expression libre, la sédition — sur l’écoulement du trafic. Si les bagnoles y ont une place, la rue ne leur appartient pas, elle revient aux habitants ! Mais la rencontre n’est qu’un premier pas, un pas de côté qui conduit à la révolte.

Lever le pied est bien une question politique. Si nous nous intéressons à la vitesse, c’est que nous sommes contre la vitesse, contre la fluidité, contre l’efficacité, contre un monde lisse en apparence où chacun est isolé, emprisonné dans sa bulle, baladé à toute allure, à droite et à gauche, au profit des marchands. Face à ce système qui mène le monde à l’auto-destruction, nous préférons la lenteur dont renaît la vie, une lenteur anticapitaliste et décroissante, qui nous guide vers l’autonomie et la solidarité, en douceur.

Un rayonnement à sens unique

Cette révolte le système n’en veut pas. S’il promeut une rencontre, c’est celle du client solvable avec la marchandise. En revanche, le choc du banni, chômeur, mal-logé, nomade, immigré ou « ultra-gauchiste », contre la vitrine, il veut l’éviter à tout prix. D’ailleurs, si la proposition de Roland Ries est adoptée, nos rues seront toujours vidéosurveillées...

Or, ces fumeuses zones 30, où « les automobilistes ne seront jamais à plus de 300 mètres d’un axe de transit à 50 km/h », s’ajouteront aux cartes de visite pour le « rayonnement » de Strasbourg métropole. Elles ne sont qu’un appel de phare supplémentaire, comme le titre vaporeux de « première ville cyclable » ou les pubs ineptes que placarde la ville, destiné aux investisseurs et aux cadres sups tendance europtimists. La gentrification est en effet à la mode dans les grandes villes européennes : la cité cherche à soigner ses maux en attirant des nantis qui chassent les moins bien lotis.

Changer la vie ou juste le cadre de vie ?

Dans cette question, la réminiscence d’un slogan vieux de 30 années vaut pour réponse : la gôche, renonçant à changer la société en luttant contre les inégalités de richesse, a rejoint la droite dans la politique cosmétique. De même, le code de la rue que nous proposons, tout en zones de rencontre avec quelques avenues à 30, perdrait son potentiel subversif s’il n’était accompagné d’autres mesures. Comme au centre-ville, les zones piétonnes devenues... zones commerciales.

Alors, comment vivrons-nous à l’avenir dans un quartier en zone de rencontre comme nous l’imaginons ? Ça sera super ! La municipalité aidera les petits commerces et installera un marché, donc plus besoin de conduire jusqu’au supermarché. Comme elle soutiendra aussi l’agriculture bio, l’artisanat et les sociétés coopératives des environs, les prix seront corrects. Le supermarché fera même faillite. La ville améliorera ensuite l’école, les crèches, l’accès aux soins et les autres services publics, essaimera des jardins partagés et ouvriers. Surtout les habitants, qui se connaissent mieux depuis qu’un enfant peut traverser la rue les yeux fermés, échangeront des coups de main, troqueront des patates contre du soutien scolaire. Cette solidarité au service des besoins de chacun deviendra si importante, que beaucoup choisiront de travailler moins, en particulier ceux qui auront abandonné leur voiture. Nous vous laissons rêver la suite.

Enfin, pour prévenir la hausse vertigineuse des loyers dans le coin, que cette amélioration de la vie, et pas seulement du cadre de vie, ne manquerait pas d’entraîner, la municipalité, ou plutôt la commune libre des habitants qui l’a avantageusement remplacée, réquisitionnera les logements vides, épaulera les coopératives d’habitants et contrôlera les prix de l’immobilier.

Miam ! Ce code de la rue servi sur CREP ouvre l’appétit...

À lire à tout prix : C’est quoi le code de la rue ? Rouler pépère c’est aussi ne pas stationner n’importe où : La municipalité contre les autos-crottes ? Trois mines d’informations : Ville 30 ; Villes 30, villes vivables, villes cyclables ; VéloBuc zones 30. Un dernier article pour la route : La voiture électrique, dernier sursaut d’une chimère en déroute ? Compte rendu en photos : A 50 contre le 50 à l’heure.


La plus kitsch des affiches de vélorution
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Dépliant qui explique le code de la rue
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Des chansons pour la vélorution
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Mortalité des piétons percutés par un véhicule en fonction de la vitesse
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« Hâte-toi lentement ! » par le CADR 67, l’ASTUS et Piétons 67
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Dossier de presse de la municipalité : « Strasbourg veut passer à 30 »
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Un bout du projet 30/50 de Ries
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Extrait d’une série d’affiches de Carfree France
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Étude savante : les habitants sont plus heureux dans une zone de renontre !
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Dépliant du texte de la vélorution
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L’ARAN veut plus de zones 30 à Neudirf que le ville (courrier des DNA du 16 avril 2011)
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Une vélorutionnaire victime d’une voiture garée sur une piste cyclable (courier des DNA du 17 avril 2011)
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