DNA : « Zone 30 : c’est niet ! »
31/05/2011

Le couperet est tombé hier matin : près de 55 % des Strasbourgeois consultés par courrier n’ont pas voulu du projet d’extension rapide de la zone 30 sur 70 % de l’agglomération. Si la participation (35 %) s’est révélée satisfaisante, le « non » des électeurs au défi du ralentissement du mode de vie en ville constitue un sérieux revers pour Roland Ries — qui n’a pas caché sa déception hier. Le point.

« Pas si vite ! », ont répondu avec force les électeurs strasbourgeois, consultés du 2 au 20 mai dernier, via un courrier expédié à leur domicile : quelque 27 420 d’entre eux ont opposé leur veto à la proposition formulée par la municipalité d’étendre rapidement le principe de ralentissement de la vitesse en ville à 30 km/h sur quelque 70 % du territoire de la ville.

Grand coup de frein

C’est donc la mine des mauvais jours qu’arboraient hier matin le maire Roland Ries, le premier adjoint Robert Herrmann, l’adjoint à la circulation Olivier Bitz et celui à l’urbanisme Alain Jund, au moment d’annoncer solennellement les résultats de la consultation, flanqués des deux huissiers Me Irion et Me Bourrel. Avec moult précautions oratoires, Roland Ries a noté que, sur la forme, côté « consultation » qui a coûté 70 000 euros, cela a été « un succès ». Reste que sur le fond, à la question posée : « oui » ou « non » à l’extension de la zone 30 ? les 22 514 partisans du « oui » à la réforme rapide n’ont pas pesé bien lourd face aux camps du « non » — qui représentent près de 5 000 personnes de plus.

« L’opinion n’est pas prête »

Ce résultat sans appel a confirmé, selon le sénateur-maire, promoteur de ce « projet pionnier en France », présenté à Paris et à Strasbourg — que « l’opinion n’est pas complètement prête » à retenir le principe de la « slow city », à savoir la ville où l’on prendrait plus le temps de vivre et où les modes doux — les piétons en particulier — seraient les rois. Cette « idée de ville apaisée à construire » n’a manifestement pas encore fait sa route dans les esprits de Strasbourgeois.

« L’angoisse de ne pas pouvoir faire face à ses obligations » qui pousse à « rouler en fonction de son agenda » est encore bien ancrée dans les mentalités des citoyens. Et ce décalage — de quelques années, dit-on à la municipalité — a été fatal à cette réforme hardie — téméraire, diront ses détracteurs. Pour autant, a bien fait comprendre Roland Ries, il ne s’interdit pas d’avoir recours, ici ou là, à la zone 30. Mais ce sera « sans commune mesure avec la généralisation envisagée, qui est abandonnée ».

Fort désappointé, lui aussi, Alain Jund (EELV), adjoint à l’urbanisme, veille cependant à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : « La déception est évidente, la conviction reste intacte », tente de rebondir le pilote du « schéma directeur vélo » sur la Cus — qui veut retenir le travail sur le code de la rue. Et que, par ailleurs, « le désir de vitesse et l’envie d’apaiser traverse la ville d’aujourd’hui ». Face à « l’irrationnel des arguments » avancés — ce que Roland Ries a nommé des « fantasmes » —, l’élu écologiste ne veut pas « se laisser détourner de la pédagogie ».

« L’ensemble de notre politique n’est pas en cause »

Délégué à la démocratie locale, Robert Herrmann a rappelé « l’originalité de la démarche citoyenne dans un contexte difficile » avec « le débat national sur les radars », « les automobilistes ont le sentiment d’être des vaches à lait » et qu’on tente de leur « poser des pièges à radars ». Dans ce cadre, le premier adjoint a estimé que le résultat était « serré »...

« C’est... c’est... assez équilibré », a tenté d’embrayer Roland Ries. Avant de rappeler : « Je ne cherchais pas le plébiscite et ce n’est pas l’ensemble de notre politique qui est en cause, c’est élément ponctuel du code de la rue », s’est-il dépêché de préciser à ceux qui seraient tentés d’y voir un sondage grandeur nature sur sa gestion de la collectivité. Cachant mal aussi, son ambition — forcément déçue — de président du Gart, qui aurait pu avoir une mention supplémentaire « pionnier en transports innovants » pour Strasbourg — qui accueille à l’automne le congrès national.

« On est partis de très loin »

Olivier Bitz, l’adjoint à la circulation, retiendra, quant à lui, « la démarche innovante et courageuse », ainsi que « le débat qui a traversé la ville », et « le chemin parcouru dans les mentalités ». Et de rappeler : « On est partis de très loin. »

Sauf que là, l’extension rapide de la zone 30, après un tête-à-queue dans le débat, a fini dans le mur... D’abord faute d’avoir été assez expliquée, disent aujourd’hui ses promoteurs en battant leur coulpe. Pour être expliquée, il faut des porte-voix. Or, s’étonnait déjà le député Armand Jung en plein débat, on ne voit pas beaucoup d’élus aller sur le terrain pour relayer l’idée — maire en tête.

« Nous voulions laisser la démocratie locale s’exprimer, sans que les élus ne s’y mêlent trop », confie un élu municipal. Cette pudeur, ou cette tiédeur-là, aura été fatale : à recevoir des coups, sans en rendre — faute de combattants mobilisés en nombre suffisant —, Roland Ries a perdu cette bataille.

Sans doute surpris par le score, manifestement sonné, nul doute qu’il méditera un bon moment sur cet avertissement-là. A la mi-mandat.

Philippe Dossmann