La vélorution « Ras le Rallye ! » partira samedi 25 septembre à 14 heures 30 place du Wacken. En attendant de vous y retrouver plus nombreux que les spectateurs du rallye, voici un petit texte bien senti de la CREP pour nous décrotter les idées.
Deux séries d’affiches se disputent en ce moment les panneaux de pub de la ville : la première, aux tons verts, proclame que notre bourgade est une « métropole durable, verte et responsable » ; la seconde, sur fond de vignobles alsaciens, représente une bagnole de course rouge pétaradante. Strasbourg, la capitale de l’« éco-mobilité », accueille et finance le Rallye automobile d’Alsace !
La mairie rose pâle, à grands coups de com’ sur le crâne, verte devant et grise derrière, voudrait nous faire gober cette contradiction ? D’un côté, les élus nous promettent depuis des mois un code de la rue, censé rendre la priorité aux plus faibles, piétons et cyclistes aujourd’hui asphyxiés par les voitures. De l’autre, ils vont paralyser le centre-ville piéton pour faire la fête à des bolides de course, super polluants et écrase-couillons. D’un côté, ces édiles causent « déplacements doux » et vont inaugurer en catimini leur Vélhop. De l’autre, ils font l’apologie de la bagnole.
C’est que le mythe de l’automobile qui libère le peuple, qui vous transforme un pauvre diable en vainqueur, fait parfois encore recette auprès des électeurs coincés dans les embouteillages. Roland Ries se disait contre le GCO (Grand Contournement Ouest de Strasbourg) ? Cette Grosse Connerie Obsolète qui pourrait bien voir le jour en dépit d’une vive opposition et au mépris de la raison. Mais ce foutu rallye est une publicité géante pour vendre des voitures et des autoroutes.
Môssieur le Sénateur-Maire ne fait pas dans la cohérence mais plutôt dans l’éco-errance... Pour que ça ne se voit pas trop trop, il tirera un « bilan carbone » du rallye dont les piteux résultats se verront d’avance excusés par un « village du développement durable » et un « partenariat avec les écoles » sur cette fable (1).
Mais cette contradiction — symbolisée par l’affiche du rallye, où le bolide du champion du monde est grossièrement photo-monté sur un paysage de carte postale — n’en est pas une dans la logique du « développement durable » cher aux élus municipaux. A Strasbourg, on construit des tours pour enrichir une coterie de privilégiés : tour géante du bassin d’Austerlitz, « International business district » derrière la gare, nouveau Palais des congrès, privatisation des haras, de l’Hôtel de police voire des Bains municipaux ou du Palais des fêtes. Quant au peuple qui en bave, on tente de lui jouer des tours : Tour de France, Euro 2016, Capitale européenne de la culture ou Rallye d’Alsace.
En quoi tout ce cirque pourrait-il améliorer la vie des Strasbourgeois-e-s ? Mais voyons, nous grapillerons les miettes ! Pardon, nous bénéficierons des « retombées » du « rayonnement » de notre cité. Ce qui justifie une coquette subvention au rallye : « le patrimoine historique et architectural de Strasbourg offrira un cadre de choix pour les spectateurs » et attirera « les téléspectateurs du monde entier » (1). Telle est l’essence de la politique de « métropole » de Môssieur le Sénateur-Maire : inscrire Strasbourg « dans la compétition que se livrent les grandes villes européennes » (2). Et quoi de mieux pour démontrer notre compétitivité que d’accueilir une compétition ?
Ce rallye nous dévoile l’idéologie de la gôche au pouvoir à Strasbourg, qui ne conçoit plus de transformation sociale que dans le cadre du capitalisme. D’ailleurs, elle reste fort discrète quand il s’agit de défendre les retraites ou la Sécu de ses administrés, ou les services publics de l’éducation ou de la santé. Pire, elle encense le champion automobile local, qui est surtout un champion de l’évasion fiscale à toute berzingue.
Son unique objectif est que chaque habitant devienne un petit porte-drapeau performant, productif, mobile et flexible de « sa » métropole, dans un effort qu’elle prétend collectif. Tout ça pour le seul bénéfice des investisseurs qu’il est de notre devoir de séduire. Eblouis par une poignée de jeunes cadres dynamiques, fraîchement débarqués du TGV et juchés sur leur Vélhop, nous pourrons toujours rêver à un « job » de technicien de surface « free-lance » dans la tour d’une de ces grandes entreprises, qui ne manqueront pas d’affluer. Jusqu’à la prochaine délocalisation.
Nous n’irons pas place Kléber applaudir élus, pilotes et autos, c’est-à-dire assister au spectacle de la débauche de nos détrousseurs. Ce rallye n’est qu’une petite crotte sortie de leur imagination minuscule... Nous nous en gobergerons à grands éclats de rire vélorutionnaires !
Ne manquez pas ce texte extra sur la métropolisation de Lille, dont on vous reparlera bientôt tellement ça pète : La fête est finie. Il y a peu : Parking day. Nos autres articles sur les bagnoles : En finir avec la société de l’automobile. Le compte rendu de la vélorution : À vélo contre le rallye auto.