La vélorution de juin 2008 dévoilait la supercherie des publicyclettes, ces vélos en libre-service dopés à la pub, qui pour nombre d’élus tiennent lieu de politique du vélo. Aujourd’hui, alors que les déboires du Vélib’ valident nos arguments, la municipalité a renoncé à ces gadgets pour un système de location mieux adapté à la situation locale. Le « véloknack » sera-t-il à la hauteur du service public du vélo proposé par la CREP depuis belle lurette ?
Le « vélo partagé strasbourgeois » sera garanti sans pub : heureusement, car quelle hypocrisie que de soumettre la bicyclette à la publicité ! Le vélo est écologique et économique, plus sobre qu’un chameau, quand la pub prône le gaspillage et fait l’apologie de l’auto. Il n’y aura pas non plus de stations high-tech et énergivores, installées par dizaines à la place d’arceaux pour les vrais vélos, mais des locaux avec des êtres humains dedans, pour louer et réparer les montures. Bref, Vélocation enfin modernisée et étendue !
La ville ne se vendra pas aux multinationales de l’affichage publicitaire et créera son propre système de vélopartage, moins clinquant qu’une publicyclette mais sûrement plus utile. Il fallait bien ça pour la « capitale du vélo » ! Quelques questions cependant :
Le véloknack échappera-t-il au piège du système technicien, qui prétend résoudre les problèmes environnementaux et sociaux par des solutions techniques ? Les Vélib’ et consorts déresponsabilisent les cyclistes, mués en éternels clients d’un service commercial dont les coûts écologiques (comme le ballet des camionnettes qui redéploient les biclous la nuit), sociaux (de la fabrication à l’entretien) et financiers (jusqu’à 3000 euros par an et par bécane pour la collectivité) sont supportés par d’autres. Cette conception individualiste débouche sur des déteriorations et des vols à la chaîne, comme à Paris.
À l’inverse de cette liberté vélibérale, la bonne vieille petite reine, carburant à la seule huile de genoux et simple à réparer soi-même, est un instrument d’autonomie. Le service public du vélo que la CREP propose depuis belle lurette vise à développer cette liberté véritable :
Un système technique individualiste ne résoudra pas la question de nos déplacements. Seule une démarche collective, dont les maisons du vélo seraient le creuset et la prime vélo le lubrifiant, pourra nous amener à nous interroger ensemble sur nos pratiques pour les changer.
Le véloknack, présenté aujourd’hui par la municipalité, est plutôt bien roulé — amélioré comme la CREP le suggère, il serait rutilant ! Mais un vélo partagé ne suffira pas à multiplier par trois le nombre de cyclistes. Pas tant qu’il y aura des pistes cyclables en pointillés, que le code de la rue restera une belle idée sur papier glacé, que les voitures occuperont plus des trois quarts de l’espace public et, surtout, que nos élus ne feront rien contre le stationnement sauvage.
À lire : l’excellent texte Hybridation & bicyclette ; Les pièges du système technicien. À la capitale : Solidaires Cyclocity ; On ne trouve plus de Vélib’ le matin. Bientôt un Busycle chez nous ?