La vidéosurveillance taillée en pièces
21 mai 2010 — vidéosurveillance

La fameuse semaine Démontons la vidéosurveillance, telle un couteau suisse, déploya son programme éclectique comme autant de manières de lutter contre les caméras qui nous oppressent.

L’ennemi est protéiforme, il nous faut donc fourbir tous nos outils pour que la vidéosurveillance soit enfin balayée par une lame de fond...

Lame tournevis

La semaine a démarré par une visite guidée du dispositif de vidéosurveillance strasbourgeois, suivie par une cinquantaine de personnes (zéro selon la police secrète). Place de l’Étoile, d’abord, pour une présentation du centre de supervision, saint des saints du réseau. Deuxième étape sur le pont du Corbeau, pour une description technique des différents types de caméras.

Place Gutenberg ensuite, pour causer de l’histoire de la vidéosurveillance à Strasbourg : Qui se vante d’avoir installé les premières caméras dans les bus ? Ries ! Qui a voté pour les premières caméras de vidéosurveillance urbaine de Keller & Grossmann ? Ries ! Et qui continue à en installer ? Ries !

Quatrième étape place du Château, à propos du comité d’éthique en toc, pour rappeler comment son seul objectif est de légitimer le système. Enfin, final au Syndicat potentiel, pour découvrir notre carte de la vidéosurveillance urbaine dans la CUS. Cahuètes et bière n’étaient pas de trop pour reprendre des forces avant le reste de la semaine.

Lame de boucher

La conférence de Jean-Pierre Garnier fut un carnage... De quoi la vidéosurveillance est-elle le nom ? Tout simplement d’un outil de domination de classe ! Et notre invité de tailler des croupières à l’urbanisme capitaliste, puis au capitalisme actuel tout court. Pour Garnier, celui-ci entraîne dans nos villes des troubles croissants, qu’il s’agit de réprimer, voire dissuader ou prévenir. La vidéosurveillance prend tout son sens.

Enregistrement de la conférence (AL Alsace) :
- De quoi la vidéosurveillance est-elle le nom ?

Garnier est revenu sur le mirage de l’urbanisme, auquel se sont convertis beaucoup d’anciens militants : à défaut d’essayer de changer la vie, changeons-en le cadre... Ainsi les dispositifs urbanistiques sont devenus des instruments de mise au pas de la société : caméras, ségrégation socio-spatiale, résidentialisation, suppression des toits-terrasses et des impasses, loges de concierges transférées au premier en « avancée » sur la rue pour la surveiller, réorganisation des parkings pour une meilleure progression des forces armées, haies toutes taillées en dessous de 72 centimètres pour éviter les cachettes potentielles, etc.

Cette « architecture de prévention situationnelle », dont la vidéosurveillance est un élément central, participe au triptyque du règne par la peur du capitalisme : réprimer, dissuader, prévenir. Les gouvernements créent une menace diffuse (les pauvres, les fraudeurs, les nomades, les immigrés, les ultra-gauchistes, etc.) contre laquelle ils se posent ensuite en remparts. Depuis Peyrefitte, 54 lois sur la sécurité intérieure se sont attaquées à ces indésirables (mais jamais aux écarts des gros) : dans l’environnement urbain, ils « polluent » et il s’agit alors de dépolluer, en « requalifiant » un quartier, en « civilisant » les boulevards, en mettant des policiers jusque dans nos têtes. L’idéologie du développement durable boucle ce dispositif. Elle nous distrait de l’action politique collective en nous enjoignant, pour répondre à une « crise » toujours plus menaçante, à d’incessants efforts individuels. Et survit ainsi ce système qui nous oppresse... durablement !

Une intervention riche que nous n’allons pas vous résumer plus avant : écoutez plutôt l’enregistrement ci-dessus (merci aux amis d’Alternative libertaire). Pour creuser : les livres de Garnier, ou son blog-notes ; deux émissions de Là-bas si j’y suis, Les petits séparés et les grands ensembles (I) et (II).

Lame gadget ?

Le jeu de piste nous projeta en 2050. On a bien rigolé : c’est fun la société pacifiée ! Sept équipes concouraient dans ces temps futurs : épreuve de reconnaissance de caméras ; puis évitement des yeux machiniques ; test de comportement le plus normé possible (essayer de passer inaperçu avec un immense ballon de plage) ; ensuite tractage minuté ; épreuve « sportive » de signalisation expresse de caméra ; sondage (aussi peu orienté que les vrais) de dizaines de passants ; et enfin, reconstitution de phrases énigmatiques, tirées de la bible de 2050 La zone du dehors, pour ouvrir les portes du temps... Et les participants de se retrouver en 2010, à l’époque où quelque chose pouvait encore être fait pour faire dérailler la société de contrôle...

Lame en tire-bouchon

L’air de rien, cet apéro-craie sous surveillance accueillait le retour des passagers du temps sus-nommés, encore sonnés. Comment lutter en 2010 ? En picolant et en crayant pardi ! En bouquinant les brochures de notre kiosque ambulant aussi. Et, sans en avoir l’air car sous l’œil inquisiteur d’une caméra, en échafaudant des stratégies pour faire chuter le sécuritaire et le système qu’il protège.

Lame-loupe

Lors de ces projections, notre âme a erré dans les images de court, moyens et longs métrages... Un 1984 de Mickael Radford tout a fait honnête (qui nous rappelle que le but est de nous foutre des caméras dans les têtes) précéda une série de courts métrages et de documentaires. La Zona, de Rodrigo Pla, ferma le banc : un film plutôt glaçant sur les quartiers privés pour riches... Les séances de cinoche étaient hébergées par la maison Mimir, un projet tout neuf et fort emballant.

Lime-scie musicale

Il faisait beau, il faisait très chaud, un temps idéal pour guincher sur de la musique non électriquement modifiée. Ce bal sauvage masqué sous les caméras nous rappela combien l’amusement peut être subversif. Et comment les jambes qui se démènent associées aux cerveaux qui moulinent égayent les âmes ! La piste de danse était signalée par une ronde de caméras en carton, et par des panneaux de « signalisation » somme toute assez directifs. Une table assurait nourriture intellectuelle et rafraîchissements. Et de 18 heures... à pas d’heure, danseurs et musiciens se relayèrent, des couples de danse se formèrent et se défirent, comme le groupe d’instrumentistes, qui évolua au gré de l’usure des musiciens.

Les participants étaient masqués : dansaient ainsi un pirate, un spider-man, un fantôme de l’opéra, un ours, une princesse, une louve, et même l’adjoint délégué à la sécurité strasbourgeoise ! Puis la chaleur aidant, les masques tombèrent, peu à peu, et les caméras ne pouvaient pourtant identifier personne : le rythme endiablé faisait bouger corps et têtes bien trop vite.

Selon les organisateurs, 300 personnes seraient venues se dandiner : « c’est pas vrai » auraient déclaré les autorités. Incident révélateur et amusant, au début du bal, trois policiers municipaux passent là, discutent avec un participant, s’amusent de l’initiative, font trois petits tours et puis s’en vont. « Bonne soirée » qu’ils disent en s’éloignant. Un danseur colle alors un autocollant sur un poteau de caméra, puis se voit suivi et observé par celle-ci. Trois minutes plus tard, voilà nos cyclistes de la municipale qui redébarquent, un rien contrariés : la caméra les a alertés, ils sont désormais sommés de nous regarder nous déhancher pendant toute la soirée. « Bien sûr qu’il ne se passera rien » qu’ils disent. « Vous voyez, la vidéosurveillance ça vous emmerde aussi ! » leur lance un masqué.

La CREP dit un grand merci au Syndic popo, à l’AHBAK, à Mimir et aux folkeux. Elle frime sur Radio libertaire (31/08/2010) et sur Radio Sterni. Et elle se réjouit que les amis parigots de passage lui aient piqué ses idées : En piste contre la vidéosurveillance. Enfin pour les sceptiques : Et si on surveillait les chambres à coucher ?


Masque « Olivier Bitz, adjoint PS à la sécurité » pour le bal masqué sous les caméras
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Dernière délibération de la CUS sur la vidéosurveillance (7 mai 2010)
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Tiens, une caméra du SIRAC qui zieute les manifestants au lieu de surveiller la nouvelle borne d’accès à la place du Château
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