Parking à vélos de la gare : gare à l’attrape gogos...
30 mai 2007 — vélo

Où comment tout faire pour donner l’apparence de privilégier le vélo, tout en favorisant la voiture, sans pourtant parvenir à devenir ministre de l’environnement... Voici une lettre de la CREP envoyée à Madame la Maire de Strasbourg et aux média locaux.

Strasbourg, le 30 mai 2007

Madame la Maire,

Vous invitez les cyclistes strasbourgeois à venir fêter le nouveau parking à vélo de la gare ce 3 juin. Nous ne manquerions pas de vous féliciter de cet effort envers la pratique urbaine du vélo si ce dernier n’était pas assombri par votre bilan dans ce domaine. Il n’est à nos yeux pas aussi festif et positif que vos discours autosatisfaits le laissent imaginer...

Notre critique première n’a pas changé : en toute incohérence, vous accompagnez l’essor des modes de transport doux et dans le même temps vous développez encore l’infrastructure bagnolesque. On ne peut privilégier deux choses opposées à la fois. Votre communication « verte » n’arrive pas à masquer votre attachement au bitume et aux pistons (1) ! Est-ce-que des cyclistes seront conviés lors de la mise en service de votre hypothétique aspirateur à voitures (le GCO) (2) ? L’aménagement de la place de la gare en est un parfait exemple : Vous prétendez rénover la place de la gare pour que tout le monde puisse en profiter, et vous en faites un rond-point, avec, certes, des arbres et de l’herbe, mais combien de voitures en plus par jour s’il-vous-plaît ? Avec une route qui passera à quelques mètres de la sortie de la gare ! Les piétons apprécieront, comme ils apprécient déjà les 196 jours pollués par an à Strasbourg (3).

Nous nous interrogeons sur l’intégration de ce parking à vélo de 850 places dans le quartier Gare. Quelle disproportion entre la publicité faite à ce parking « moderne » et la pauvreté du réseau cyclable du quartier ! Celui-ci attend depuis des années un schéma cohérent et de nouvelles pistes cyclables. Une importante liaison pédalable avec les quartiers périphériques est même devenue dangereuse (tunnel Wodli) au profit d’un nouveau parking autodébile de centre-ville... Nous qui avions imaginé que la sécurité routière vous importait ! Les cyclistes usagers du quartier Gare risquent leur peau chaque jour un peu plus. Le parking-vélo sera donc en service sans aucun réel itinéraire cyclable et pratique existant. De nombreux conflits avec les piétons et les voitures sont à prévoir... Ce parking, n’est-ce-pas mettre la charrue avant les boeufs ?

Nous critiquons également son statut et son fonctionnement (pour ce que nous en savons). Rendre payante l’utilisation pratique du vélo en ville : rien de mieux pour inciter les gens à continuer d’utiliser leur voiture. Cette tarification, même modeste, va à l’encontre des valeurs du vélo en ville : accessible à tous, pratique et quasi gratuite. Son gardiennage ne justifie pas cette taxe. Cet emploi pourrait être payé par la collectivité. Pourtant il aurait pu être envisagé autre chose : contre le vol, à chaque citoyen vélocipède, pourrait être offert un cadenas de qualité (parfois aussi cher que le vélo lui-même) par la municipalité, ainsi que le marquage dudit vélo (même si les actions de marquage du CADR 67 sont une bonne initiative). L’employé ou les employés au parking de la gare pourraient surveiller (un tout petit peu) et surtout avoir une mission de service public : dépannage, conseils, apprentissage des petites réparations. Cela semble fonctionner déjà à Fribourg-en-Brisgau.

Nous croyons savoir que vous prévoyez d’installer à la gare une sorte de pôle vélo : si vous ne voulez pas que la majorité des cyclistes considère cela comme de la poudre aux yeux, si vous voulez en faire le symbole d’une politique réellement incitative en faveur du vélo, rendez-le gratuit dès le début ! Il en va de la cohérence de votre discours. Enfin, cette tarification implique un espace clos, l’excluant de fait de l’espace public alors que par nature le piéton et le cycliste l’occupent et le font vivre. Le vélo n’est pas un mode de transport à traiter sur le même mode que les véhicules à moteur (4), les places publiques colonisées déjà en partie par des espaces payants pour cellules privées polluantes (les voitures) ne doivent pas être grignotées désormais par des espaces pour vélos. Il faut imaginer des solutions adaptées à des espaces publics fluides et accessibles à tous.

Enfin, nous nous amusons de votre technique marketing pour attirer le chaland à l’inauguration : « Venez déguisés et à vélo, vous aurez un cadeau. » En février dernier, les quelque 200 vélorutionnaires n’ont pas eu besoin d’une grotesque « carotte » pour parader déguisés : le mot d’ordre de cette manifestive était précisément une critique sévère mais juste de votre « politique d’éco-pollution » — tout dans la com’ verte et réalité plus grise (5). Nous sourions donc des suites de notre parade cyclo-déguisée et rassurons les chauffards de 4x4 strasbourgeois : avec le tandem-à-moteur, Strasbourg restera une ville où il fait bon polluer en paix (6).

La CREP
Collectif de Réappropriation de l’Espace Public de Strasbourg

Notes : (1) Cf. Les 13 propositions pour le vélo de la CREP. — (2) Cf. Vélorution champêtre. — (3) Selon les mesures de qualité de l’air du boulevard Clémenceau. — (4) Les vélos sont considérés comme de véritables véhicules lorqu’ils sont verbalisés pour des infractions au code de la route, et lorsque, ironiquement, ils revendiquent cette appartenance, elle leur est déniée : des cyclistes se sont garés sur la place Saint Thomas transformée en parking payant, ont payé le parc mètre et ont chacun pris un emplacement payant pour leur vélo : rien ne spécifie que les véhicules garés doivent rouler à l’essence. Au bout de quelques heures, en dépit de toute légalité ils ont été priés de décamper par les forces de l’ordre. Cf. PlaGes de parking — (5) Cf. C’était comment la cavalcade vélorutionnaire ? — (6) Les 4x4 seront en quasi-extase lorsqu’ils iront se reposer sur le parking Wodli, si l’on en croit votre brochure : « Pergolas plantées de vignes vierges, houblons et clématites de la forêt primitive du Rhin qui grimpent au cœur de l’édifice créeront la surprise. » Ben voyons...

À lire, deux revues de presse sur la politique du vélo mises à jour régulièrement : Les 13 propositions pour le vélo de la CREP (en-bas de l’article) & La politique anti-vélo du sous-préfet... Des idées venues d’ailleurs : Et si Strasbourg rimait un jour avec Fribourg ? Des arguments contre le GCO : Quand on partait sur les chemins... à bicyclette.


Lettre à Madame la Maire (30/05/2007)
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